Réinventer la fonction cadre
La transformation numérique modifie en profondeur l’ensemble des sphères de la société, en particulier la façon dont le travail s’effectue et la manière dont fonctionnent les équipes.
Dans la société numérique, la conception verticale des tâches de « commandement » a été remplacée par une vision horizontale de la collaboration axée sur la transparence, la participation des collaborateurs, et la mise en valeur des compétences de chacun. C’est ainsi que le cadre, autrefois si convoité et envié, traverse une crise d’identité, après que ses attributs aient été un à un démantelés.
Une nouvelle génération de managers est en train de naître, davantage en phase avec l’entreprise d’aujourd’hui. Ces cadres d’un nouveau genre sont reconnus pour leurs capacités d’animation, leur fort charisme et leur empathie. Voici un tour d’horizon de ces bouleversements et ce qu’ils impliquent.
Cadre : un modèle d’une époque révolue
Auparavant, devenir cadre constituait une aspiration partagée, un idéal de promotion sociale. Ce qui a fonctionné à l’époque des Trente glorieuses semble avoir fait son temps. Le concept de cadre s’est profondément transformé au fil des décennies. Les avantages d’être cadre ont fondu comme neige au soleil depuis le passage aux 35 heures avec son lot de licenciements, alors que les inconvénients se sont accrus : les plans sociaux ne les épargnent plus et les logent à la même enseigne que les autres salariés. Les cadres font aujourd’hui les comptes : on attend d’eux un investissement supérieur dans l’entreprise, mais la rétribution est-elle à la mesure, si on tient compte des heures passées au travail, des risques de burn-out, du stress induit ?
Dans les années 60, appartenir à l’élite (2%) se reflétait par un écart salarial de l’ordre de 1 à 4, mais il s’est considérablement réduit de nos jours : de 1 à 2,7 (les cadres représentant 20% de la population active en 2017). La catégorie des cadres est celle ayant par ailleurs connu le moins d’augmentation de revenus ces dernières années.
Une spécificité typiquement française
En France, la tranche sociale des cadres a joui d’une forte croissance entre 1997 et 2017, passant de 2 à 3 millions de travailleurs. Toutefois, alors qu’une majorité de cadres dirigeait des équipes il y une vingtaine d’années – l’importance du poste de cadre s’avérant directement proportionnelle au nombre de travailleurs sous ses ordres – ils ne sont plus que 4 sur 10 à avoir plusieurs coéquipiers sous leur commandement.
À noter par ailleurs qu’il s’agit d’une spécificité typiquement française, dont les origines remontent en 1947. Dans les pays anglo-saxons, la notion de cadre n’existe pas. C’est une France verticale, soucieuse de maintenir l’ordre dans des organisations hiérarchisées, qui a développé et maintenu ce concept. On voit aujourd’hui qu’il vole en éclats.
Plusieurs facteurs ont eu raison de la désintégration graduelle du rôle de cadre : mondialisation, crise économique, et révolution digitale. Les salariés ambitieux devront tenir compte du fait que leur légitimité relève désormais de talents d’animation et de capacités d’optimisation des équipes.
Que reste-t-il de l’ancienne réalité managériale ?
Le seul ciment fédérateur du modèle de cadre demeure l’Argic (caisse de retraite complémentaire des salariés cadres). Cet attribut traditionnel a été fragilisé, suite à une fusion programmée des régimes de caisse complémentaire des travailleurs du privé. Les beaux jours de l’assurance post-carrière semblent compromis : 75% des cadres jugeant la réforme importante, et 67% d’entre eux estimant qu’elle risque de fragiliser la protection sociale des cadres.
En conclusion
L’entreprise s’est départie de son modèle de cadre responsable obsolète, en le remplaçant par des managers ou gestionnaires d’équipes transversales dotées d’une plus grande autonomie. Les quelques 4,1 millions de salariés français cotisant à l’Argic se trouvent plongés au cœur d’une véritable crise d’identité, et devront recentrer leurs activités professionnelles. Quant au nouveau modèle de manager, il reste à voir comment se développeront ses devoirs et ses droits spécifiques.
Sources :
Article sur Le Nouvel Économiste
Article sur La Croix