Comment la crise sanitaire va intensifier le télétravail
Toutes les études le démontrent, la France est à la traîne en matière de télétravail. Seuls 7 % des salariés français sont concernés par cette forme de travail, soit moitié moins que leurs pairs hollandais ou finlandais.
Un état de fait lié au retard pris en matière de digitalisation de l'économie française bien sûr mais aussi aux réticences des employeurs. La crise du coronavirus, et plus particulièrement le confinement induit, est-il en train de faire bouger les lignes ?
Un électrochoc ?
Décrété le 17 mars dernier, le confinement à domicile de la population française a obligé des milliers d'entreprises à organiser dans l'urgence le télétravail de leurs salariés. En quelques semaines, ce ne sont pas moins de 8 millions de Français qui se sont mis à travailler depuis chez eux : un record dans un pays jusque-là peu enclin à cette forme d'organisation et de réalisation du travail. Un saut qui ne s’est pas fait sans quelques réticences et difficultés mais tout de même réalisé en très peu de temps. Ce bouleversement interroge : peut-il servir d'électrochoc en la matière ? Seul l'avenir le dira bien sûr.
Ce qui est sûr, c’est que jusqu’à aujourd’hui la France n’occupait que la 16e place dans le monde parmi les pays les plus en avance dans l’économie numérique. Depuis plusieurs années, l’Hexagone avait du mal à réaliser les investissements technologiques nécessaires pour se mettre au pas dans cette voie. En 2018, la part de son PIB réservée au numérique ne pesait que 5,5% quand le Royaume-Uni y consacrait 9%.
Néanmoins, l'histoire du travail en France est marquée de ruptures soudaines pour ne pas dire de petites révolutions. Dans ces occasions, le monde du travail a su s'organiser et les mentalités évoluer sous la contrainte des évolutions, des évènements ou de la loi. La crise actuelle pourrait donc bien s'inscrire dans la lignée de ces changements soudains voire brutaux.
Quid du management ?
Il va sans dire que le télétravail implique un management totalement repensé. Ce dernier exige une transformation complète de la gestion des équipes. Les managers habitués au présentéisme doivent accepter de ne plus exercer de contrôle direct sur leurs subordonnés. Concrètement, le télétravail mis en place durant la période de confinement offre l'opportunité d'une rénovation rapide du management en France. Socle d'un télétravail réussi, la confiance va de pair avec un leadership nouveau emprunt d'une forte capacité à impliquer et responsabiliser. Entre contrôle légitime des salariés et surveillance exagérée, les managers vont devoir trouver un équilibre subtil. La fréquence et la forme de leurs interventions s'avèrent tout aussi essentielle. Bien dosés, leurs appels doivent prioritairement s'effectuer en visioconférence pour apporter l'indispensable touche humaine à la relation. Les consignes verbales ou écrites doivent êtres aussi précises et exhaustives que possible. Le télétravail s'avère d'autant plus réussi qu'il est peu interrompu.
Une réflexion à mener sur bien des plans
Les grèves de décembre et janvier derniers avaient déjà incité les entreprise à démocratiser cette organisation du travail. Aussi, certains usagers disposent-ils d’ores et déjà de l’environnement adéquat quand d’autres doivent chercher leurs marques. De nombreuses petites communes ont dû s’y résoudre en mars dernier pour maintenir les services essentiels à la vie de leurs administrés. Il est certain qu’un travail à distance réussi passe par des outils, des plateformes, des pratiques, une cybersécurité à mettre en place. Une implémentation de solutions pour vivre le télétravail de façon optimale, encourager le sentiment d’appartenance, et éviter l’isolement. Les Français ont d’autre part à acquérir une culture qui leur permettra de compartimenter leur vie personnelle et professionnelle, de se limiter à des horaires de travail et se tenir à l’écart des sources de burn-out digital. Sans doute aussi l’opportunité de considérer que le statut de parent est à prendre en compte. Dans l’ensemble, les salariés en télétravail aspirent à plus d’autonomie et à décider plus librement de leurs disponibilités, et le plus souvent ce mode de travail le leur permet.
Ainsi, parmi ses nombreuses conséquences, le coronavirus pourrait faire faire un bond en avant au télétravail dans l’Hexagone. Les entreprises pourraient y gagner une efficience nouvelle et les salariés une qualité de vie accrue. Cette crise donne en effet l’occasion d’une réflexion sur le sujet et d’un développement des solutions. Et il y a fort à parier que les avancées acquises le resteront, car la culture permettant ces changements va, selon de nombreux observateurs, devenir une norme. Une évolution qui s’avère ambitieuse et qui passe nécessairement par une reconsidération des lieux où doit se dérouler le travail, par une désacralisation du bureau. Mais surtout par un management revu, donnant la part belle au leadership, afin de permettre aux salariés une gestion de leur vie professionnelle qui contribuera à plus de bien-être et de sens.
Source : Article sur Courrier Cadres